Laurent WOLF

Après Zurich, le Genevois expose à domicile et un livre sur son oeuvre paraît aux Editions ABC, en français et en allemand.

L’ouvrage est préfacé par Fritz Billeter, le rédacteur culturel du Tages-Anzeiger. Il se referme sur un texte d’Elias Canetti, tiré de Masse et puissance, Françoise Jaunin l’évolution de l’artiste. Et de nombreuses reproductions de grande qualité permettent de se faire une idée précise de son parcours. C’est l’introduction idéale à l’exposition genevoise. De l’Ecole des Beaux-Arts de Genève (encore très académique au début des années 60) aux grands pastels d’aujourd’hui on observe plusieurs ruptures qui se manifestent, comme c’est souvent le cas chez les peintres par des changements de techniques.

En 1969, Grosclaude abandonne la peinture à l’huile pour la peinture acrylique. A partir de 1976, il utilisera principalement le pastel. Si, pour le spectateur de l’oeuvre, la technique n’est visible que par son résultat et par l’apparence des tableaux, elle est pour le peintre une affaire de temps, de rythmes de travail. Grosclaude le dit lui-même, il est venu au pastel pour échapper aux contraintes du séchage. L’huile sèche très lentement (en plusieurs heures), l’acrylique plus rapidement (en quelques minutes). Mais l’artiste doit dans les deux cas s’adapter au temps de séchage qui produit de plus, un changement d’état de la surface entre le moment où le peintre pose la touche de couleur et celui où il peut revenir dessus sans la dénaturer.

Avec le pastel, cette poudre colorée comprimée en bâtonnet (à peu près de la forme et de la consistance d’une craie), Grosclaude trace des lignes sur la toile ou sur le papier. Il peut le faire en continu sans que rien d’extérieur à son propre rythme ne vienne l’interrompre ou le contraindre. C’est la succession des gestes qui finit par tisser, trait après trait, surface après surface, les couches successives du tableau. Grosclaude dit qu’il en superpose ainsi trente à quarante. Cette description technique n’a de sens que parce qu’elle est une clé pour comprendre l’oeuvre de Philippe Grosclaude. Avec son geste répétitif parfois doux et parfois brutal, couvrant pendant des heures les grandes surfaces de ses peintures, Grosclaude s’immerge littéralement dans son ouvrage, dans le rythme de cet ouvrage. Le visiteur peut se contenter de regarder la toile dans l’état où le peintre l’a laissée et la donne à voir. Cela s’appelle jeter un coup d’oeil.

Mais il peut aussi laisser le temps à ses yeux d’explorer la surface, littéralement d’explorer le volume de la surface. Il traverse ainsi du regard la succession des traits et des couches de pastel et il remonte dans la durée de l’oeuvre vers son origine.

Mémoire II, 1989/4

Grosclaude commence ainsi ses tableaux: il imagine une situation, un ou plusieurs personnages dans une situation, un moment de vie catastrophique, lié à la peine ou à la difficulté d’être. Par exemple, il esquisse sur la surface encore presque blanche de la toile ou du papier trois personnages qui se tournent le dos. Il commence à vivre avec eux, traçant ses traits colorés jusqu’à ce qu’ils forment des surfaces et prennent corps. Devant cette oeuvre, on est comme un intrus qui, entrant par mégarde dans une chambre, surprendrait un événement, une dispute, un accident. L’arrivée de l’intrus suspend un instant la scène, il y a un silence, une brève immobilité. Rien n’est vraiment visible, mais tout témoigne qu’il s’est passé quelque chose, que quelque chose va recommencer.

Son geste répétitif,
parfois doux,
parfois brutal

Regardées brièvement, comme des images, les peintures de Grosclaude apparaissent comme des variations autour d’un thème: les hommes ne communiquent pas entre eux, et c’est la source du drame, de la souffrance, de la cruauté. Regardées de plus près, attentivement, elles témoignent de la lutte du peintre pour communiquer avec ses personnages, pour lever leur mystère, pour communiquer avec nous et sans doute avec lui-même.

Laurent Wolf, « Philippe Grosclaude – Exposition et monographie » – Le Nouveau Quotidien – 18 avril 1994

Alain PENEL

L’artiste genevois fête avec éclat trente ans de peinture. Un grand éditeur alémanique publie une monographie, deux galeries l’exposent. En général, les mécènes ont joué le jeu.

Zurich ne rend pas hommage tous les jours à un artiste genevois. Ni même tous les ans. Par une sorte de grâce, Philippe Groslcaude bénéficie de ce coup de projecteur rarissime. Un important éditeur zurichois, Weltwoche-ABC-Verlag lui consacre une monographie. Parce que son texte colle au propos du peintre, un Prix Nobel qui réside sur les bords de la Limmat a même accepté qu’un extrait de l’une de ses oeuvres majeures, Masque et puissance (Ed. Gallimard) figure dans ce livre d’art: Elias Canetti pourtant n’aime pas tronçonner ses écrits. En même temps, avant d’atterrir dès le 14 avril chez Anton Meier à Genève, Grosclaude expose à la Galerie Arteba à Zurich.

Peindre «contre»

Ces démonstrations constituent le clou que le peintre genevois a commencé à enfoncer en 1964 dans une galerie de Sion. La monographie qui paraît aujourd’hui, due à la plume de Françoise Jaunin comble ce que ne peut raconter une exposition en quelques cent cinquante pages, elle retrace trente ans de carrière. Vu le coût du projet, sa réalisation n’aurait pas pu être menée à terme par le seul éditeur. Des mécènes comme la SBS, Pro Helvetia, le Fonds Rapin, Teo Jakob ou les collectionneurs privés ont ouvert leur porte-feuille. Sollicitée, la Ville de Genève, à cause de ses difficultés budgétaires et malgré la politique de l’arrosoir qu’elle affectionne, a sèchement refusé d’apporter une petite contribution. Elle se rattrapera peut-être autrement.

Comme le rappelle Françoise Jaunin, Grosclaude peint contre (« Contre les injustices du monde, contre la bêtise et l’absurdité, contre sa propre angoisse existentielle, contre l’inguérissable blessure de l’être »). L’artiste a ressenti le (provisoire) refus de l’officialité genevoise non pas tant comme une vexation que comme l’expression du désordre habituel des choses. Le bouillonnement de la culture et de la création désempare souvent le politique. Mais, comme beaucoup d’autres artistes, Grosclaude se situe en dehors de ces jeux stériles.

Originaire d’ici, le peintre a un faible pour Genève, mais l’introspection qui en émane et la tradition calviniste ne sont pas son fort. « On est ce qu’on est, explique-t-il. je ne fais pas de l’introspection, mais du développement. La peinture, ce n’est pas intérieur. Avant tout, c’est se développer vers l’extérieur, essayer de s’ouvrir. La peinture, c’est une aventure ».

Univers, 1988/15

Couche par couche

Cette aventure, Groaclaude l’a attaquée dans les années 60 avec l’huile et l’acrylique. En 1976-78, il a pris le virage du pastel. « Le mot pastel, écrit Fritz Billeter, le préfacier du livre, évoque invariablement la suavité des teintes, la grâce d’un Renoir ou le scintillement poudré du rococo« . Mais, chez le peintre genevois, les pastel « ne sont ni doux ni suaves, ils sont «masculins».

Si, en cours de route, il a changé de matière, Grosclaude n’a jamais lâché sa trajectoire. D’une part, il construit toujours ses tableaux couche par couche. De l’autre, parmi ses formes abstraites accumulées ou imbriquées, il place constamment une figure, un masque ou une tête, voire une étoile, sortes de vigiles qui « nous rappellent (…) que, au-dessus de nos têtes, une puissance aveugle domine« .

Grosclaude, dès ses débuts, a essayé de montrer, comme le dit Fritz Billeter, « quelque chose de comparable à une explosion ou une implosion de l’être ». Même s’il prend aujourd’hui un nouveau départ, le peintre genevois n’a jamais dévié d’une route d’incandescence sous les étoiles.

Alain Penel, « Exposition à Zurich et monographie », – Tribune de Genève – samedi-dimanche 19-20 mars 1994

Fritz BILLETER

Im Zeichen von Maske und Stern, 1994

Seit 1978 bedient sich Philippe Grosclaude des Pastells, nachdem er vorher in Öl und Acryl gemalt hat. Wer Pastell sagt, denkt zunächst an duftige Farben, an die Lieblichkeit Renoirs oder an den Puderschimmer des Rokoko. Vielleicht ist es kein Zufall, dass zuerst eine Künstlerin, die Venezianerin Rosalba Carriera (1675-1757), die Pastelltechnik aus ihrer blossen Nebenrolle herausgeholt hat. Nun ist aber die Pastellmalerei von Philippe Grosclaude nicht zärtlich und nicht duftig, sondern « männlich ». Warum hat er sich dann überhaupt dem Pastellstift zugewandt, wenn er die ureigenen Möglichkeiten dieses Verfahrens gar nicht ausschöpfen will? Weil Grosclaudes Bilder so entstehen, dass Farbschicht auf Farbchicht gebreitet wird – manchmal kommen bis zu vierzig aufeinander zu liegen. Würde er beim Malen Ölfarben verwenden, müsste er nach dem Auftrag jeder Schicht warten, bis die Farbe getrocknet wäre; mit Acryl ginge es schneller, aber für Grosclaude noch immer nicht schnell genug. Bei Pastellen jedoch kann er ohne abzusetzen Schicht auf Schicht legen. (Dabei sei das technische Detail erwähnt, dass er zwischen jede Pastellschicht eine lage Fettkreide einschiebt, damit der Pastellstaub besser haftenbleiblt.) Jene eben beschriebene Kontinuität ist Grosclaude beim Entstehen des Bildes wichtig. Es gibt Künstler, wie Leonardo da Vinci, die länger vor ihrem Werk reflektieren, als sie an ihm arbeiten. Es gibt Künstler, die vier, fünf Bilder gleichzeitig in Arbeit haben, die malend leicht von einem zum andern hinüberwechseln. Nicht so Philippe Grosclaude: Er kann sich nur auf ein Bild zugleich konzentrieren, und darum sollte er es möglichst in einem Zug durchmalen können. Er kann sich aufs Mal nur auf ein Bild konzentrieren. Das heisst wohl auch, dass er immer nur das eine im Sinn hat, seine Vision. In der heutigen Post-post-Moderne ein Wort, das fast als altertümlich, als pompös empfunden wird. Anderseits kann ich mir nicht vostellen, dass das gegenwärtige Getändel (wenn nicht so, dann halt so) noch lange anhalten wird. Der Kommende Trend könnte durchaus dorthin gelangen, wo Grosclaude von Anfang an, seit je gestanden hat: bei einer tragischen Position. Wie aber lässt sich Grosclaudes Vision näher in Worte fassen, wie kann sein typisches Bild umschreiben werden? Bei Grosclaude türmen sich abstrakte Formen, verzahnen sich, legen sich Tranche für Tranche aneinander, durchdringen sich in Schwung und Gegenschwung: gerundete, elliptische, parabolische, trapezähnliche und spindelförmige Gebilde, die sich selten schliessen, die häufig über die Bildränder hinausstreben. Neben solcher ausdrucksstarken Geometrie behaupten sich auch die freie Geste, die Kritzel, die Strichbündel; aber dieser « tachistische » Anteil ist gezähmt, muss sich einschränken. Das Farbklima ist selten kosmisch-eisig, aber kältend weht es einen schon an: Blau, Blaugrün, Weiss und Schwarz. Dieser Unwirtlichkeit treten warme Erdfarben entgegen, die sich auch zu einem intensiven Orange steigern können. Dem, was ich als Grosclaudes ausdrucksstarke Geometrie bezeichnet habe, sind zwei sich heraushebende Motive eingebunden: das Maskengesicht und der Stern. Die von Grosclaude häufig im halben En Face gegebenen. Gesichter haben nicht etwa Masken vorgebunden, sie selbst sind zur Maske erstarrt. Sie sind erstarrt in heroischem Aushalten, in Trauer und Schmerz, vielleicht in innerer Sammlung.

Sans titre, 1988/22

Grosclaude hat den Zügen seiner Gesichter eine eigene Konvention verliehen – volle und schwere Münder, grosse, laicht gekrümmte Nasen, deren Rücken überdeutlich durchgezogen und ins Helle gerückt sind, während die Augenpartie sich als Dunkelzone herausbildet; eine Haube oder kapuze oder aber eine schwer herabsinkende Haarflut deckt den kopf. Insofern Grosclaude immer denselben mittelmeerisch-herben Gesichtstyp abwandelt, darf man diesen als ikonenhaft bezeichnen. Diese Gesichter können aus sich selbst strahlen, in gipsernem Weiss wie tot erscheinen, leer sein oder fast erloschen, von aussen eher anbrandender Farbe nahezu verschlungen werden. Grosclaudes Stern, ein Gebilde mit vier bis sieben Zacken, setzt sich zuweilen auf das Maskengesicht. Häufiger findet er sich in dessen Nachbarschaft, oder er tritt ganz selbständig auf. Auch dieses Zeichen ist im Typus festgelegt, wird nur immer abgewandelt. Ein klein wenig lässt es an die Konventionen des Comic Strips denken; da wäre dann bei Grosclaude doch ein Hauch von Humor auszumachen. Darf man diesen Stern als Symbol bezeichnen, und wenn er eines wäre, was würde es ausdrücken? Der Künstler selbst sagt aus, dass seine Bilder im ganzen auch immer so etwas wie eine Explosion oder Implosion zum Ausdruck bringen. In seinem Gestirn würde sich diese auseinanderstrebenden oder in sich zusammenstürzenden Kräfte gleichsam verdichten. Ich selbst meine nicht, dass Grosclaudes Sterne dem irrenden Wanderer den Lebensweg weisen; eher erinnern sie daran, dass über uns ain blindes Verhängnis waltet.

Fritz BilleterIm Zeichen von Maske und Stern, 1994

In: « Für einen neuen Blick », Françoise Jaunin, ABC-Verlag, Zurich 1994

Fritz BILLETER

Under The Sign Of The Mask

Since 1978 Philippe Grosclaude has been using pastels, having previously worked in oils and acrylic. The mention of pastels inevitably conjures up flowery hues, the charms of Renoir or the powdery shimmer of the rococo. It is perhaps no coincidence that it was a woman, the Venetian artist Rosalba Carriera (1675–1757), who brought the pastel technique out of the relative obscurity of its supporting role. Philippe Grosclaude’s pastel works, by contrast, are neither soft nor airy, but « masculine ». So why take up pastel crayons if you have no intention of exploring their characteristic possibilities? One reason is that Grosclaude’s pictures are created by applying successive layers of colour – sometimes as many as forty. Working in oils, he would have to wait for each layer of colour to dry; with acrylic it would be quicker – but not quick enough for Grosclaude. With pastels, on the other hand, he can apply layer after layer without stopping. (On a technical note, it is interesting that he spreads a layer of grease crayon between each layer of pastel to give the pigment powder a more adhesive substrate.) This continuity in the process of creating the picture is important to Grosclaude. There are artists, such as Leonardo da Vinci, who spend longer in front of their pictures thinking than actually working on them. There are artists who work on four or five pictures at once, who can switch without difficulty from one to another. Not so Philippe Grosclaude: he can only concentrate on one painting at a time; and that is why, if at all possible, he wants to be able to finish it in one go. The fact that he can only concentrate on one picture at a time means he always has just one thing in mind: his vision. The word seems almost antiquated and pompous in today’s post-post-modern world. On the other hand, I cannot imagine that the dilly-dally approach prevailing today (comme ci comme ça) will last for long. The coming trend could take us where Grosclaude has been from the very start: a tragic position. But how can Grosclaude’s vision be put into words; how can we describe one of his typical pictures.

Sans titre, 1988/22

In Grosclaude’s work, abstract forms are piled, in interlocking structures, layer upon layer, permeating one another in thrust and counterthrust: in rounded, elliptical, parabolic, trapezoid and spindle-shaped forms which are rarely closed and often stretch beyond the edge of the picture. Asserting themselves alongside such expressive geometry are freehand gestures, scratchings, bundled lines – albeit this « tachiste » tendency is tamed, has to hold itself in check. The colour climate is seldom cosmically icy; but a chill wind does blow at you: blue, blue-green, white and black. But this inhospitable quality is countered by warm earth colours which can reach an intensive orange. There are two outstanding motifs in what I have described as Grosclaude’s highly expressive geometry: the mask and the star. It is not that the faces Grosclaude often shows in half profile are wearing masks, but that the faces themselves are frozen into masks. They are petrified in heroic forebearance, in sorrow and pain, perhaps in composure. Grosclaude has fashioned his own set of conventions out of the features of these faces: full, heavy mouths; large, slightly crooked noses, with the bridges somewhat overemphasized so that they catch the light, while the eyes are shrouded in darkness. The head is covered by a cowl or hood, or heavily flowing hair. To the extent that Grosclaude’s faces are always based on the same Mediterranean-male archetype, they can be described as iconic. They can appear to radiate an inner light, have the pallor of a plaster death mask, appear empty, as though extinguished, or almost swallowed by a surge of ambient colour. Grosclaude’s star, a figure with four to seven points, is sometimes set on the mask-like face. More often, it is nearby; and at times appears separately in its own right. Like the face, this symbol is a variation on an archetype. One is reminded a little of the conventions of the comic strip; which would mean a touch of humour could be detected in Grosclaude’s work. May we describe this star as a symbol? And if so, what does it represent? The artist himself says that, on the whole, his paintings always express something akin to an explosion or implosion. His star represents the forces bursting forth as well as those compacted in the inward collapse. In my view, Grosclaude’s star is not there to guide the errant on their path through life, but rather to remind us that our lives are governed by blind fate.

Fritz Billeter, Under The Sign Of The Mask, 1994

In monograph : « Pour un autre regard », Françoise Jaunin, ABC-Verlag, Zurich 1994

Fritz BILLETER

Sous le signe du masque et de l’étoile

Depuis 1978, après avoir peint à l’huile et l’acrylique, Philippe Grosclaude se consacre au pastel. Le mot pastel évoque invariablement la suavité des teintes, la grâce d’un Renoir ou le scintillement poudré du rococo. Peut-être n’est-ce pas un hasard si c’est une artiste, la vénitienne Rosalba Carriera (1675-1757) qui, la première, a sorti la technique du pastel de son rôle de second plan. Cependant, les pastels de Philippe Grosclaude ne sont ni doux ni suvaves, ils sont « masculins ». Pourquoi donc cet engouement pour le pastel s’il ne veut pas épuiser les possibilités inhérentes à ce procédé? parce qu’il construit son tableau couche après couche, parfois jusqu’à quarante l’une sur l’autre. S’il peignait à l’huile, il devrait attendre après chaque couche que la peinture soit sèche; avec l’acrylique, le séchage serait plus rapide, mais pas encore assez pour l’artiste. Les pastels lui permettent donc de les superposer, sans attendre (il faut préciser que, entre chaque couche, il étend de la craie grasse pour faciliter l’adhérence des pigments du pastel). Pour Grosclaude, ce processus est important dans l’exécution de son tableau. Certains artistes restent longtemps devant leur oeuvre, à réfléchir, pendant qu’ils y travaillent. Léonard de Vinci en est l’exemple parfait. D’autres travaillent simultanément sur quatre ou cinq toiles, peignant de l’une à l’autre. Ce n’est pas le cas de Grosclaude: il ne se concentre que sur une toile et ainsi doit-il pouvoir la peindre d’un seul trait. S’il ne peut aborder qu’une peinture à la fois, cela signifie qu’une seule chose le préoccupe, sa vision. A notre époque post postmoderniste, ce mot semble presque désuet, voire pompeux.

Je ne peux m’imaginer par ailleurs que l’instabilité actuelle puisse perdurer, La tendance naissante pourrait cependant aboutir là où Grosclaude oeuvre depuis le début: dans le tragique. Comment exprimer par le verbe la vision de Grosclaude, comment décrire son style? Chez Grosclaude, les formes abstraites s’accumulent, s’imbriquent, se superposent, s’interpénètrent en mouvements et contre-mouvements: elles sont arrondies, elliptiques, paraboliques, trapézoïdales et fusiformes. Rarement fermées, elles débordent souvent hors cadre. Outre la force d’expression de cette géométrie, nous sentons la liberté de la main, nous découvrons le griffonnage, le faisceau des traits; mais cet élément « tachiste » est maîtrisé, contenu. Le climat des teintes atteint rarement le glacial cosmique. Il est cependant réfrigérant, il blesse de ses bleus, bleus-verts, blancs et noirs. Cette ambiance inhospitalière est adoucie par l’apport des tons chauds de la terre, évoluant parfois dans l’intensité de l’orangé. Deux motifs intimement liés se dégagent de ce que je nomme la géométrie expressive de Grosclaude: le masque et l’étoile. Les visages dessinés souvent de trois-quarts ne portent pas de masques, ils sont masques. Figés dans des pauses héroïques, reflétant tristesse et douleur, dans une probable introspection.

Sans titre, 1988/22

Grosclaude donne aux traits de ses visages un caractère propre: les bouches sont pleines et lourdes, les nez forts, légèrement aquilins; l’arête en est exagérément longue et accroche la lumière alors que l’orbite de l’oeil est dans l’ombre; une coiffe, une capuche ou une lourde crinière de cheveux couvre le chef. Dans la mesure où Grosclaude représente toujours le même type austère de visage méditerranéen, on peut qualifier ces masques de figure d’icônes. Ces visages éclatent de lumière. Parfois d’albâtre gypseux, ils reflètent la mort, le vide, ou alors ils sont presque éteints, presque absorbés par les couleurs brûlantes qui les entourent. L’étoile de Groclaude, une figure de quatre à sept branches, repose parfois sur le masque, fréquemment dans son voisinage, ou encore isolée.

Ce symbole est aussi fixé dans son caractère, mais varie sans cesse. Grosclaude fait un petit clin d’oeil à la bande dessinée: nous croyons déceler là une pointe d’humour. Faut-il chercher dans cette étoile un symbole? Si tel est le cas, quelle en est la signification? L’artiste déclare lui-même que ses tableaux dans l’ensemble expriment toujours quelque chose de comparable à une explosion ou une implosion de l’être. Dans son esprit, ces forces explosives ou implosives pourraient quasiment se condenser. Pour ma part, je ne prétends pas que les étoiles de Philippe Grosclaude montrent le chemin au promeneur égaré; elles nous rappellent plutôt que, au-dessus de nos têtes, une puissance aveugle domine.

Fritz Billeter, Sous le signe du masque et de l’étoile, 1994

In: « Pour un autre regard », Françoise Jaunin, ABC-Verlag, Zurich 1994

Daghild BARTELS

Philippe Grosclaude

Der Genfer Künstler Philippe Grosclaude (Jahrgang 1942) zählt, obgleich einer der Stillen im Lande, zu den wichtigsten zeitgenoßischen Künstlern der Calvin-Stadt. Selbsternannter Außenseiter der Kunstszene, der beharrlich seinen Weg verfolgt, blieb er dem Tafelbild treu, das er meist in vertikalen Formaten präsentiert. Es sind Bilder, auf denen sich turbulente, gestische Farbstrudel ausbreiten, bei dominanten Blaugrautönen, die mitunter mit kräftigem Ocker bis Orange angereichert werden. Zwei konstante Leitmotive konturieren sich aus den bewegten Farbfeldern heraus: ein menschliches, maskenhaftes Gesicht mit blindem Blick und ein Stern, der häufig wie eine Sternschnuppe durch die Szene geistert. Beide Motive sind poetische Metaphern für Grosclaudes Lebensphilosophie. Er sieht den Menschen als leidende, aber dennoch selbstbewußte Kreatur, umfangen von der «unerträglichen Schwere des Seins». Daß sich diese Kreatur gleichwohl triumphierend aus den Farbturbulenzen erhebt, macht sozusagen das Prinzip Hoffnung aus. Der Stern, der das menschliche Wesen leitet, symbolisiert die Möglichkeiten von Konfrontationen und Explosionen (z. B. unterdrückten Leidenschaften). Das Bild gerät so zu einem Kraftespiel unterschiedlicher Spannungen, die freilich durch die Energie der Komposition sublimiert werden. Besonderheit der «Malerei» Grosclaudes: Seit 1976/77 verwendet er eine Technik, die ihm allein gehort. Er «malt» ausschließlich in Pastell, füllt die Leinwand bis auf den letzten Quadratmillimeter mit energischen Pastellstricheleien, die in bis zu [20] Schichten übereinandergelagert werden. Die Pastelltechnik wird somit gegen ihre eigentliche Natur, gegen den Strich eingesetzt. Statt transparenter Leichtigkeit sind hier vielschichtig strukturierte und kompakte Farbflachen das Resultat, dem man freilich noch die multiplen Übermalungen ansieht. Mit Ölmalerei wäre dieser Prozeß der permanenten Übermalungen nicht möglich; er müßte zu lange warten, bis eine Schicht trocken ist, sagt Grosclaude. So kommen Technik und Methode seinem Denken, das auf Ausdauer angelegt ist, zugute. Neuerdings benutzt Grosclaude das Pastell auch in flüßiger Form. Er löst die Substanz auf und spritzt sie nach Art der abstrakten Expreßionisten auf die Leinwand, so daß auf den jüngsten Werken wolkige, informelle Gebilde mit den kompakten Strichelfeldern kontrastieren.

Couple, 1992

Couple, 1992
pastel, crayon gras et mine de plomb sur papier
140 x 100cm

Daghild Bartels – Artis, juin-juillet 1994

In der Genfer Galerie Anton Meier präsentierte Grosclaude in vorzüglicher Inszenierung seine neuesten Arbeiten. Ein exquisiter Prachtband (erschienen im ABC-Verlag, Zürich, Vorzugsausgabe mit Originalzeichnung) gibt eine komplette Darstellung, begleitet von exzellenten Interpretationen von Grosclaudes Œuvre, und eine Monographie, die den Genfer in eine Reihe mit großen Schweizer Künstlern stellt (z. B. Max Bill, Meret Oppenheim) und ihn auch in der Deutschen Schweiz bekannter machen dürfte, denn sie ist zweisprachig.

1994 - D. Bartels

Françoise JAUNIN

Philippe Grosclaude – Die wunderbare Behattlichkeit

Der Künstler   Philippe Grosclaude wurde 1942 in Genf geboren, wo er von 1958 bis 1963 die Ecole des Beaux-Arts besuchte und heute noch, sesshaft aus Überzeugung und ganz auf seine Arbeit konzentriert, lebt. Seine Arbeiten wurden dreimal durch eidgenëssische Stipendien (1965, 1968 und 1981) ausgezeichnet und gefördert, 1977 erkannte ihm die Stadt Genf den Boris-Oumanski-Preis zu. Ab 1964 zeigt er seine Arbeiten in persönlichen Ausstellungen in der Walsch-und Deutschschweiz sowie in Frankreich; in Europa zirkulierten sie in Gruppen-Austellungen.
Der Künstler ist, was den Rhythmus seiner Austellungen und die Wahl seiner Galerien angeht, ebenso unbestechlich und anspruchsvoll, wie in den Anforderungen an sich selbst. […]

Technik   Ist Philippe Grosclaude nun eigentlich Maler oder Zeichner? Die Unterscheidung scheint überflüssig. Seit 15 Jahren hat er zwar Pinsel und Acrylfarben gegen Pastellstifte eingetauscht, die Kreide wird in seinen Händen jedoch zum Werkzeug des Malers.
Er benutzt sie meisterhaft ais subtiler Kolorist fast gegen ihre ursprüngliche Bestimmung, zwingt sie auf die Leinwand in ein dichtes, geduldig gesponnenes Gewebe, s!attigt die Farbe zu einem stumpfen Glühen. Für den Künstler «gewinnt eine Sache an Kraft, je mehr sie gebändigt wurde».

Philippe Grosclaude, Sans titre, 1984_27

Werk   lm Zentrum des Werks steht der Mensch. «Das einzige, was wirklich zählt», sagt Philippe Grosclaude, «ist am menschlichen Erfahren teilzuhaben».
Ende der sechziger, Anfang der siebziger Jahre drückt er dies noch auf sehr demonstrative Weise aus, indem er auf seinen Bildern den Zusammenprall des Organischen mit der Geometrie inszeniert. Danach werden seine Mittel immer bildhafter. Die Titel verschwinden, die bohrende Besessenheit findet ihre gleichzeitig superbe und schmerzhafte Sprache; Form und Aussage erreichen die vollkommene Verschmelzung, die sie voneinander untrennbar macht. Das Gesicht ist allgegenwärtig. Ein emblematisches Gesicht, ein christushafter, zykladischer Kopf ist in einer Ecke des Bildes gleichsam postiert. Darum herum überwuchern expandierende Formen, mächtige Spannungs- und Kraftfelder, die von gegensätzlichen Energien durchquert werden, den Raum bis zum letzten Zentimeter.
Die Bilder von Philippe Grosclaude fürchten die Leere. Nichts ist zufällig, alles bedeutsam.

Situation seines Werks   Die Arbeit von Philippe Grosclaude ist die aines fanatischen Einzelgangers.[…] Obwohl ein Einzelgänger, nimmt bei diesem Künstler die Freundschaft einen hohen Stellenwert ein. Er vergräbt sich in seinem Atelier, bleibt aber trotzdem für die Aussenwelt offen. Er ist (durch die zeitraubende Technik, die er sich geschaffen hat) vollständig von der Zeit, von der Welt hinter der Türe seines Ateliers losgelöst und steht gleichzeitig mitten im Leben. Er arbeitet unabhängig von aktuellen Moden und Strömungen, lässt sich, was Schule, Stil oder Technik betrifft, in keine Kategorie einordnen und hat dennoch am Zeitgeist teil.

Françoise Jaunin 1993

Sans titre, 1984

Dominique VOLLICHARD

Une blessure magnifique

Impressionnante, la rencontre avec l’oeuvre du Genevois Philippe Grosclaude à L’Hôtel-de-Ville d’Yverdon. C’est la plongée pas nécessairement immédiate mais peu à peu inévitable, dans un tourbillon de couleurs intenses, d’apparitions remontées des profondeurs, parfois irisées, dont les savantes variations de tons voilent à peine la menace qu’elles recèlent. Pris au filet de ces grands mouvements, le spectateur devient poisson, malmené et séduit, emporté par des ondes puissantes, des lames de fond qui éclaboussent la surface des toiles et du papier en couches superposées, inquiétantes, attirantes pourtant.

Philippe Grosclaude, Sans titre, 1983/35

Peintures et gravures en forme de cri, maitrisé, modulé, les oeuvres de Philippe Grosclaude sont grosses de révolte et de violence, de douleurs juxtaposées et d’émerveillements subits, qui s’échinent à survivre. L’artiste, né en 1942 – dont la démarche a été plusieurs fois primée – a choisi la voie étroite, le fil du rasoir jusque dans ses outrances expressives. Littéralement possédé par la peinture, il lui voue une passion de marin au long cours, toujours en équilibre sur des abîmes.

Dans le maelström de ses compositions, fluides et compactes, des visages, masques de noyés affleurent. Qu’ils apparaissent dans des éclats de bleus vibratoires ou dans un magma de couleurs terre, feu et cendres, ils sont soumis à une sorte de gestation impitoyable. Les formes s’entrechoquent, les couleurs atteignent une saturation par moments électrisants. Rien de spontané pourtant, malgré les apparences; les grandes plages d’angoisse – mais détachées, mise à distance, presque sublimée – que lance le peintre sont lentement construites. Comme la lave du volcan se superpose en couches effrayantes et somptueuses.

Le mal de vivre compose sans cesse, laissant des traces étalées, vides, des marques sanglantes mais chatoyantes, des béances qui fascinent et des vestiges organiques troublants d’être à ce point accumulés. Au centre des préoccupations de Philippe Grosclaude, l’homme (résumé dans un visage anonyme) et sa condition, sa difficulté d’être, l’homme que chaque coup de pinceau accuse et exorcise en même temps, condamné aux obscurités vertigineuses de la matière et baignant dans des bleus inouïs comme un fœtus en perdition.

Une blessure magnifique s’ouvre dans chacune de ses œuvres aux formats souvent immenses, sauvages et raffinées, entre le spleen et la révolte. Le sentiment de l’absurde travaille au corps l’art de Philippe Grosclaude. Jusqu’à cette singulière transposition dans une lumière qui sourd de la toile ou du papier comme un suc amer et précieux.

24 heures – 28 mars 1990

Jean-Luc Daval

Philippe Grosclaude

Seit ungefähr zwanzig Jahren beschreitet Philippe Grosclaude einsam einen mit Schlingen übersäten Weg, den einer Malerei, die weder auf ihre figurativen Möglichkeiten noch auf ihre expressive Kraft verzichten möchte, indem er paradoxerweise Intimismus und Expressionismus vermischt.  Grsoclaude spricht vom Menschen, seiner Einsamkeit, seinen Ängsten und seinen Kommunikationsschwierigkeiten ; er tut es, indem er die Tiefe des Bewußtseins den Bedingungen der zu beschlagnahmenden Flämit nervösen, gespannten, ständig überlasteten Strichen entgegenstellt, Ebenen mit Rissen, Oberflächen mit Reliefs, symbolische Zeichen mit der Aussagekraft von Schrift konfrontiert. Grosclaude hat lange um sein Ausdrucksmittel gerungen, indem er mit den MögliChkeiten der Ölmalerei experimentierte, dann Acrylmalerei versucht ; aber das ihm gemäße Mittel fand er, als er zur Zeichnung – Kreide, Kohle, Pastell – zurückkam.

Segments, 1986/12

Auf einer immer monumentaler werdenden glatten Fläche kann er Linien ziehen, die endlich Ebenen bilden, die die Handschrift seiner hartnäckigen Arbeit tragen und die gleichermaßen undurchsichtig oder transparent erscheinen. Blau, Orange, Schwarz und Weiß, dicht oder durchlässig aufgetragen, bilden einen unendlichen Raum, in dem sich die Formen natürlich ergeben, wenn sie sich der pulsartigen Dynamik der Geste unterchewerfen.

Nur die Freunde, die häufig sein Atelier aufsuchen, können die Hartnäckigkeit wahrnehmen, die Grosclaude aufwendet, um seine Bilder « in Arbeit » einen unverhältnismäßig großen Haufen Staub entdecken, der zu der Lebendigkeit des graphischen Zeichens, von dem die Zeichnungen noch zeugen, nicht zu passen scheint. Grosclaude wußte auf wunderbare Weise Zeichnung und Malerei in dieser originellen Arbeitsmethode zu vereinen. Grosclaude ist besessen vom Bild des Kopfes; im Raum angeordnet, enthüllt er sein Leiden ebenso wie das Denken, das strahlend den Raum erhellt. Den Ausdruck für das Wesentliche findet er in der Klarheit seiner bildnerischen Befangenheiten, die direkt die Transparenz seiner inneren Welt widerspiegeln. Diese erreichte er nicht durch Vereinfachung oder Vergessen, sondern durch – oft bittere – menschliche Erfahrung, die er mit Klarheit und Aufrichtigkeit durchlebte. In lange erarbeiteten Abstufungen und Farben sendet er sein geheimes Licht aus. Seine Oberflächen, die als flach zu definieren sind, schaffen durch ihre Kontraste einen tiefen Raum. Ob geometrisch oder symbolisch, sollten seine Bilder in einer Wirklichkeit angesiedelt werden, wo die Farben des Wortes in jene des Bewußtsein übergehen.

Tête déboussolée, 1986/10

Jean-Luc Daval, Philippe Grosclaude, in 40 Schweizer Künstler, in Kunstszene Schweiz, das Kunstwerke, Zeitschrift fur Moderne Kunst, RFA, 4-5 XXXIX, septembre 1986

Pirmin MEIER

Tafeln des Kampfes

Die grossflächigen Pastellbilder von Philippe Grosclaude vermögen – mit einer unüblichen Technik – Gesichter und traumhafte Urbilder umzusetzen.

Front de lumière, 1984

Philippe Grosclaude, geboren 1942, gehört zu den eingesessenen Vertretern der Genfer Kunstszene, die national wie auch international beachtliches Ansehen erworben haben. Seit schon rund zwanzig Jahren hat er jenseits des modischen Gegensatzes « figürlich » – « abstrakt » seinen eigenen Stil hartnackig durchgehalten. Recht auffallend ist auch seine für einen Genfer Künstler wohl doch bemerkenswerte Ortstreue: Geboren und aufgewachsen in der Rhonestadt, absolvierte er diedortige Kunstakademie und lebt und arbeitet auch heute noch in Genf.

Dabei wurde er schon früh auch ausserhalb der Westschweiz beachtet. In der Deutschschweiz präsentierte die Galerie ABC, Winterthur, schon 1967 eine erste Einzelausstellung. 1965 und 1967 war er bereits Träger des Eidgenössischen Kunststipendiums, das ihm 1981 abermals zugesprochen wurde’. Vertreten war er sodann in der grossen internationalen und repräsentativen Ausstellung « Die Schweizer Zeichnung 1970-1980», die in sechs Ländern gezeigt wurde. In Zürich waren seine Werke schon mehrfach zu sehen, zuletzt 1983 in der Städtischen Galerie zum Strauhof im Rahmen der Ausstellung « Sechs Künstler aus Genf».

Gegenwärtig ist das neueste Schaffen Grosclaudes in der Zürcher Galerie Jörg Stummer ausgestellt. Es handelt sich um die seit Jahren erste und gewiss gewichtigste Einzelausstellung des Genfers in der Deutschschweiz. Die Ausstellung bedeutet zugleich einen repräsentativen Markstein in seinem nunmehr zwanzigjährigen, höchst eigenwilligen und bemerkenswert kontinuierlichen Schaffen.

Eine « Jahresernte »

« Bilder des Jahres 1984 » lautet der einfache Titel der Ausstellung, wobei keineswegs etwa auf das Orwell-Jahr angespielt wird. Das Motto entspricht vielmehr der beständig wortkargen Art des Künstlers, der schon seit eh und je seine Werke mit dem Vermerk « Sans titre» (ohne Titel) auszustellen pflegt. In wohltuender Weise verzichtet Grosclaude darauf, seine Kunst mit intellektuellem Blabla zu garnieren.

Sein Arbeiten, das sehr berechnet und langsam erfolgt, wobei die einzelnen Bilder in deutlicher Nachfolge zueinander stehen, ist weit mehr der Starke des künstlerischen Gestaltungs­willens als dem « Vielproduzieren » verpflichtet. Der ausgestellte Ertrag des Jahres 1984, die « Jahresernte » sozusagen, umfasst denn auch «nur» rund zwanzig Werke, wozu noch ein Album mit fünf Grafiken und einem Text des Westschweizer Schriftstellers Georges Haldas, «Dédale de la mort», kommt.

L'HOMME TRAVERSÉ, avec un texte de Georges Haldas "Dédale de la mort", portfolio (5 eaux-fortes et typographie)

Vielfach hat der Betrachter den Eindruck, als male der Künstler immer das gleiche Bild unter neuen Gesichtspunkten. Die Anordnung der grossformatigen Pastellgemälde ist so, dass sie in mehreren Fallen in Dreiergruppen zur stärksten Wirkung kommen, so­wohl was den, raumgestaltenden Charakter, als auch was das Besinnlich-Nachdenkliche betrifft, das den Bildern Grosclaudes in hohem Masse eigen ist.

Für den Betrachter erweist sich die Gestaltung des menschlichen Gesichts als Einstieg in Grosclaudes Hauptthema «l’homme dans sa condition». Köpfe, Gesichter, Masken, manchmal archaisch, manchmal negroid, gelegentlich gespenstischbizarr, immer aber überaus phantastisch, durchzie­hen leitimotivisch die «Tableaux», die dennoch hauptsachlich vom Farbauftrag, von der Farbwirkung leben.

Sans titre, 1984

Karnpf um die Farbe

Der Kampf um die Farbe ist bei den einzelnen Pastellbildern vielfach noch sichtbar. Zahlreiche Ölkreideschichten sind auf das Grundmaterial aufgetragen, und der Künstler geht bei seiner Arbeit nicht selten an die Grenze des­sen, was Papier aushält. Vom Ölbild auf Leinwand hat er sich schon vor Jahren verabschiedet, um desto besessener mit der Pastellkreide zu arbeiten. Schicht um Schicht auftragend, erzielt Grosclaude die farbliche Wirkung des im antiken Sinne Elementaren (Erde, Wasser, Feuer, Luft).

Sans titre, 1984

Auffallend ist, dass Grosclaudes Verhältnis zu den Farben keineswegs «popig» ist, sondern im erdhaften Braun und Rötlichbraun sowie vor allem in seinen Blautönen einen Naturbezug verrät, der Distanz von Modeströmungen markiert.

Die Gesamtwirkung der Bilder ist kraftvoll, von der Farbkomposition her nicht selten kämpferisch-dynamisch. lm neben dem menschlichen Gesicht ebenfalls häufigen Sternmotiv wird ebenfalls der für Grosclaude typische polare Gegensatz « Implosion – Explosion» deutlich. Grosclaude malte 1984 Tafeln des Kampfes, die auf den einen vergangenheitsbezogen und mythologisch, auf den andern zukunftsweisend und utopisch wirken mögen. Und in seiner Darstellung des menschlichen Gesichts, das in den besten Gemälden geradezu plastisch wirkt, spielt immer auch die Magie des Todes hinein, nie aber der Hohn, die Fratze, die Karikatur.

Der Genfer Maler schafft eine bewegende, fast dramatische menschliche Kunst, die den farbhungrigen Betrachter in ihren Bann zieht.

Sans titre, 1984

Von Pirmin Meier

Exposition Galerie Jorg Stummer, Zürich, Januar –  2. März 1985