ARTS – La Fabrique de chaux de Saint-Ursanne offre un étrange décor aux œuvres fortes et subtiles de Philippe Grosclaude et Laurence de Pury
Étrange ambiance à la Fabrique de chaux de Saint-Ursanne, où exposent le peintre Philippe Grosclaude Grosclaude et le sculpteur Laurent de Pury, deux artistes genevois de renom. Dans la lumière blafarde d’un décor hétéroclite, fait de piliers et de murs en béton, de cuves métalliques gigantesques, d’escaliers et passerelles, de coins et recoins, les œuvres de l’un et de l’autre, très travaillées, d’une noble élégance, parfois d’une intériorité inquiète, trouvent dans cette friche industrielle un lieu de résonance qui accentue le côté énigmatique des peintures et la pureté des sculptures, d’une légèreté presque inconsistante.
Philippe Grosclaude vit et travaille à Genève, où il est né en 1942. Il a suivi les cours de l’École des beaux -arts de sa ville natale, et obtenu la Bourse fédérale des beaux-arts à trois reprises (1965, 1968, 1981), de même que le Prix Boris Oumansky en 1977. Depuis 1965, il a présenté une trentaine d’expositions personnelles dans d’importantes galeries de Suisse romande et alémanique. Le public jurassien a découvert ses œuvres en 1997 à la galerie Courant d’Art, à Chevenez, et le Musée des beaux-arts du Locle l’avait accueilli en 2002.
La luminosité dense de Philippe Grosclaude
A Saint-Ursanne, 70 œuvres de Philippe Grosclaude sont présentées, grandes toiles de deux mètres sur un mètre cinquante travaillées au pastel, au fusain et au crayon gras, œuvres sur papier, au pastel et à la mine de plomb, monotypes de format plus modeste. Une luminosité dense marque les œuvres, comme si la lumière était retenue dans les couches successives de couleurs et ne filtrait qu’épurée. Les tableaux font l’effet de sourds éclats dans le demi-jour grisâtre de la Fabrique de chaux : autant de fenêtres ouvertes sur le monde énigmatique peuplé d’êtres solitaires, de couples isolés dans leurs transports, de paysages urbains et industriels en parfaite conformité avec les lieux, par les structures de métal et de béton qui leur servent de thème, baignant dans une clarté laiteuse.
Entre figuration et abstraction
Cet art exigeant, fait de tensions mais non de cris et de fureurs, est celui d’un artiste qui s’interroge sans cesse sur la destinée humaine. Les portraits sont pétris d’une douleur rentrée, les couples enlacés ont quelque chose d’intimement tragique, sans que le peintre force le trait. Et les architectures aux élans vertigineux troublent par l’immensité des volumes et le vide qu’elles suggèrent. Vides, effacements des frontières entre absence et présence, entre réalité et’ fiction, limites poreuses entre figuration et abstraction structurée, masques, regards fuyants ou absents trouant des visages néanmoins expressifs, tout l’art de Grosclaude repose sur l’ambiguïté, le quiproquo, et l’humanisme dont il est pétri ne le rend que plus fort et dérangeant.
Laurent de Pury en complicité avec le bois
A ces œuvres puissantes, fruits de longues méditations, répondent les sculptures élancées, légères et poétiques de Laurent de Pury.
Le matériau de prédilection de Laurent de Pury, c’est le bois, avec lequel il entretient un rapport intime. Il choisit ses arbres sur pied, en forêt, attentif aux courbes des troncs, aux embranchements, dont il conserve les grandes lignes, le squelette en quelque sorte.[…]